Si la matinée a été enrichissante, être au contact des randonneurs et du troupeau a quelque chose d’incroyable. Dans les virages, on prend conscience de la marée humaine de marcheurs. On serait environ 400 selon les bénévoles, mais difficile d’obtenir un chiffre exact en ce premier jour.
On progresse à son rythme dans la foule. Certains veulent absolument être au plus près des brebis, d’autres considèrent ça plutôt comme une balade. Chacun y trouve son compte, finalement.
On reconnait des visages croisés le matin-même, on partage quelques mots avec ceux qui marchent à nos côtés. Il y a ceux qui sont du coin, ceux qui viennent d’à côté, des Normands qui viennent tous les ans. Il y a des familles, des couples, des amis. Et il y a des gens qui, comme moi, viennent vivre ce moment seul.
Devant moi, j’entends un aveu « J’ai du mal à parler aux personnes que je ne connais pas. On aura presque fait tout le parcours, ensemble, finalement. ». C’est aussi ça la Transhumance. Venir seul et marcher les 16 kilomètres aux côtés d’un(e) inconnu(e). Le dialogue est facile, on échange quelques mots en passant. Quand quelqu’un perd un foulard, le mot part du bout du peloton et remonte jusqu’à devant. Les générations se télescopent. À ma droite, un monsieur de 80 ans marche depuis le matin, sous les yeux admiratifs des jeunes bénévoles qui sont à son niveau. Ils discutent du sens de la vie, et se quittent en se souhaitant bon courage pour l’avenir.
Au détour de quelques paroles, je perçois alors toute la beauté et l’importance du moment que je suis en train de vivre. J’ai l’impression soudaine que la Transhumance est bien plus qu’une fête champêtre. C’est un véritable moment de partage, de convivialité et de rencontres.
On arrive bien trop vite aux abords de Séniergues. C’est la ligne d’arrivée de cette première journée. Ça y est, on vient de parcourir 16 kilomètres.
Quand, quelques minutes plus tard, je grimpe dans la navette qui me ramènera à Rocamadour, la foule s’est déjà un peu étiolée et les animaux sont en train de se reposer. On démarre et je laisse derrière moi un petit groupe de personnes, de brebis et d’ânes, qui continueront leur chemin dès le lendemain matin.
Et peut-être que l’année prochaine, je reviendrai faire une étape, deux, ou toutes, pour vivre encore plus intensément la folle aventure de la Transhumance.