Brive-la-Gaillarde
une sacrée bonne vivante !Plaisirs simples
Elle a l’accent qui chante, le cœur toujours joyeux… et la moustache fort sympathique ! Élégante, gaie, courageuse, authentique, gourmande, spirituelle, sportive et cultivée, Brive-la-Gaillarde aime jongler avec les obligeants qualificatifs. Pourtant, au quotidien, elle se satisfait de plaisirs simples, privilégiant par-dessus tout la convivialité. Sinon, des traces de son long passé qui l’a hissée au fameux rang de « gaillarde », elle a aussi su préserver le meilleur, mais aucun château bizarrement. À la place, elle a opté pour un improbable phare ! C’est dire à quel point elle ne se prend pas au sérieux. Sauf lorsqu’elle parle rugby ! Là, aucune concession ! Pour le reste, elle s’autorise tout ce qui fait du bien !
Brive et sa halle Georges Brassens
toute une chanson !Tandis qu’au Stadium, les Noir et Blanc distribuent sans vergogne poires, marrons et châtaignes, galvanisés par des tonitruants « Allez les petits ! », non loin, sous la lumineuse halle jouxtant le parc de la Guierle, les fruits et légumes de saison se font bien plus avenants. À commencer par les oignons ! Tout comme leurs appétissants voisins d’étal, ces derniers passent sereinement de main en main, sans que quelques douzaines de « gaillardes » n’aient besoin de se crêper le chignon pour leurs belles bottes !
Finalement, il n’y a que ce truculent Georges Brassens pour s’être laissé aller à de telles allégations, et en musique ! C’était en 1953, alors que le lieu sous sa forme actuelle n’existait pas encore. Une légende raconte pourtant que le poète chanteur n’aurait jamais mis les pieds à Brive-la-Gaillarde, sa référence n’ayant que l’ambition de satisfaire une rime. D’autres affirment au contraire qu’il s’agirait d’une petite vengeance habilement déguisée, adressée aux « pandores » de la cité corrézienne, qui se seraient montrés peu courtois envers l’artiste. Un comble au pays de Brive où l’accueil est roi !
Quoi qu’il en soit, quelle publicité ! Et comme les Brivistes revendiquent volontiers un côté gentiment provocateur, ils ont à l’unanimité choisi de baptiser leur nouveau marché au nom du célébrissime sétois. Un moustachu de surcroît, une aubaine pour cette ville qui vénère les fiers et rebiquants attributs !
Ainsi, en 1981, la halle Georges Brassens ouvre ses portes, s’inscrivant dans la longue tradition des marchés de Brive, dont les premiers remontent au XIIIème siècle. Après le stade Amédée Domenech, c’est le second poumon de la cité. Une véritable institution, dont la réputation a largement dépassé les limites de la Corrèze.
Dans ce temple du bon goût et du local, trois fois par semaine, les agriculteurs de la région viennent vendre en direct leurs fruits, légumes, viandes et volailles. Et pour pleinement saisir l’âme de cet authentique monument où l’on cultive la passion pour les produits du terroir, on s’y rend de préférence un samedi matin, voire à l’occasion des fameuses foires grasses, chaque année, entre les mois de novembre et mars. Foie gras, canards, oies et truffes y sont alors magistralement à la fête !
Attention, mieux vaut petit-déjeuner léger avant d’arpenter les allées très fréquentées, car les Brivistes ne badinent pas avec le rituel sacré de la dégustation ! Entre fromages, pâtés, tourtous, mique, et flognarde, il y a de quoi combler tous les gaillards petits creux ! Sinon, en venant tôt, on peut aussi avoir la chance de croiser les chefs cuisiniers des grandes et plus modestes tables alentour, qui viennent y trouver l’inspiration du jour. Ici, du marché à l’assiette, il n’y a souvent que quelques rues d’écart, et la fraicheur des produits brandie en étendard !
Donc, à la halle Georges Brassens, aucune « Hécatombe » ni échauffourée à redouter. Non, juste un bain de revigorante bonne humeur, comme Brive les affectionne tant. Et si là, c’est au milieu des trésors gourmands du Sud-Ouest qu’elle réjouit, elle a bien d’autres occasions de se montrer joviale…
« Comment puis-je oublier ce coin de paradis, ce petit bout de terre où vit encore mon père… » Ah, qu’il est entraînant et stimulant cet air tout simple des Trois Cafés Gourmands. Vous savez, ceux qui ont « la Corrèze en cathéter » ! Et comme à Brive, c’est l’esprit local qui prime, la ville n’a pas hésité longtemps à saluer l’énergie positive du trio, lequel a vite rejoint la longue liste des jeunes talents révélés lors du fameuxBrive Festival. Un événement musical incontournable qui attire les foules, chaque fin juillet. Son secret : une programmation généreuse, un format atypique dédié aux familles, une atmosphère détendue et bon enfant, aussi bien dans les coulisses que sur scène, avec des artistes naissants qui côtoient les grandes stars françaises, voire internationales. Et de vrais moments de partage à la clef !
Vous avez bien chanté et dansé ? Et si vous lisiez maintenant ?
Changement d’ambiance, mais là encore, le maître-mot reste la convivialité. Ainsi, chaque année, début novembre, Brive n’a aucun complexe à métamorphoser son célèbre marché Georges Brassens en véritable halle-littéraire. Assez incongru en cet endroit dédié aux plaisirs de la bonne chère, plutôt qu’à ceux plus feutrés de la lecture, pourtant, l’essai a été parfaitement transformé ! LeFestival du livre de Briveest devenu un vrai best-seller ! Après Paris, c’est LE plus couru des rendez-vous littéraires de l’année. Écrivains, romanciers et bédéistes à succès s’y pressent en se mêlant sans chichi aux plumes beaucoup plus confidentielles. L’atmosphère y est décontractée, avec un contact auteurs/lecteurs privilégié, spontané et cordial. Eh oui, comme quoi on peut être « gaillarde », aimable et cultivée ! Mais au fait, d’où vient ce robuste épithète qui habille la ville?
Un caractère bien affirmé !
Brive est en fait une coriace qui ne se laisse pas faire ! Au Moyen Âge déjà, elle brille par son insolente volonté d’indépendance. Celle qui désignait « le pont » enjambant la rivière Corrèze durant l’Antiquité (« Briva » en gaulois), a rapidement tiré parti de sa position stratégique, au carrefour des trois provinces du Limousin, du Périgord et du Quercy. Devenue une commerçante dans l’âme, on s’y presse pour assister à ses foires et marchés. Et entre deux ripailles, on vient aussi honorer la mémoire du martyr Saint Martin l’Espagnol en la monumentale collégiale qui porte son nom.
Haut lieu d’échanges et de spiritualité, Brive, qui ne s’est toujours pas officiellement révélée « gaillarde » – il faudra attendre 1929 -, attise la convoitise des seigneurs locaux. Mais l’audacieuse tient à sa liberté. Au XIIème siècle, elle s’entoure d’une solide muraille. Elle la complète d’une seconde au XIVème siècle, tandis que la guerre de Cent Ans fait rage entre les Français et les Anglais, lesquels, tour à tour, s’évertuent à la briguer. Ces mêmes Anglais d’ailleurs qui, quelques siècles plus tard, auront de nouveau à en découdre avec l’opiniâtre corrézienne, préférant encore lui laisser l’avantage. Seulement cette fois, pas de remparts infranchissables à l’horizon, mais un « mur » de costauds énergumènes ! C’était un certain 25 janvier 1997, et le CAB, en atteignant les sommets européens, rentrait définitivement dans l’histoire… du ballon ovale français ! Et dire que les Brivistes « vivaient » déjà rugby avant l’événement, alors imaginez après ! Eh bien c’est simple, c’est un sempiternel sujet de fierté !
Il est vrai que la lutte et la résistance font partie du jeu à Brive, au sens propre comme au figuré ! Si aujourd’hui, ce sont les athlétiques Coujoux qui portent ces qualités à bout de biceps, la cité, tout au long de son histoire, n’a jamais rechigné à entrer dans la mêlée. Ainsi, on le sait peu, mais elle est la patrie du grand résistant Edmond Michelet, dont la maison est devenue un musée. Mais surtout, le 15 août 1944, Brive fut la première ville de France à se libérer des Allemands, sans l’aide des alliés. Donc courageuse et battante, la cité l’est obstinément. Mais celle qui se définit comme « forte », au point d’avoir gagné le titre de « gaillarde », a bien d’autres plaisantes qualités à faire valoir…
Tous les charmes d'une ville de province
Allez, on commence par grimper quelques marches, 98 exactement. Mais l’effort en vaut la peine. Au sommet du « phare » situé place du Quatorze Juillet, et dont l’accès est gratuit, la vue est imprenable sur la halle et la vieille ville. L’insolite édifice, classé monument historique, conçu par un certain M. Limousin – ce qui ne s’invente pas ! -, est en fait un ancien château d’eau construit au XIXème siècle, qui servait à alimenter les fontaines de la ville. Aujourd’hui fière vigie abritant l’office du tourisme, il symbolise la marque 100% Gaillarde de Brive. C’est un excellent point de départ pour connaître plus intimement la belle cité, celle qui aurait pu devenir une vraie petite Carcassonne corrézienne, si au moment de sa révolution industrielle, elle n’avait pas eu l’idée de démonter tous ses remparts, au profit de grands boulevards et de cossus hôtels particuliers.
Libéré de son carcan protecteur, le cœur historique de Brive est désormais facile à parcourir. Avec ses allures de grand village accueillant, on le pénètre par la rue de Toulzac, menant tout droit à la collégiale Saint-Martin, autour de laquelle la ville s’est peu à peu développée. Partout, le grès chaleureux des bâtiments prédomine, rehaussé de toitures d’ardoise aux reflets bleutés, rendant l’ensemble noble et élégant. En parcourant les petites ruelles joyeusement commerçantes, et souvent piétonnes, on tombe sur des pépites du patrimoine architectural briviste. Moyen Âge, Renaissance, les styles s’imbriquent avec harmonie : l’hôtel de Maillard-Quinhart, place de la Treille, la tour des Échevins, la maison Cavaignac, le Collège des Doctrinaires, devenu la mairie, la maison Treilhard, ou encore l’incontournable hôtel Labenche, transformé en un musée d’Art et d’Histoire très apprécié pour l’impressionnant éclectisme de ses collections et animations – à voir absolument, ne serait-ce que pour approcher le piano de Debussy, ou tester les visites insolites !
Et quitte à assouvir sa curiosité jusqu’au bout de ses papilles, on n’hésite pas à pousser les portes de l’ancestrale Maison Denoix, boulevard du Maréchal Lyautey, où la surprise se distille avec passion, et se déguste avec modération ! On n’en dit pas plus, mais on insiste sur l’incontournabilité du lieu, sorte de cabinet d’alchimie, avec son alambic rutilant, ses chaudrons fumants « presque » magiques, son précieux « esprit parfumé », et son unique moutarde violette ! Après cette plongée liquoreuse et savoureuse, si on est un incorrigible bec fin, on peut bien sûr gagner la halle Gaillarde située à deux pas, en quête de nouvelles douceurs sucrées ou salées, forcément délicieusement corréziennes ! Ou alors, on s’offre une pause détente…
À Brive-la-Gaillarde, nul besoin d’aller bien loin pour se sentir ailleurs. Les Brivistes ont ainsi leur spot préféré pour se mettre plus au vert – et à l’eau ! – dès que les beaux jours arrivent : le lac du Causse, près du village de Lissac-sur-Couze. À peine dix petits kilomètres suffisent pour s’y rendre. Ce n’est pas la mer, toutefois on ne s’y amuse pas moins ! Plage aménagée, tables de pique-nique ombragées, esprit guinguette certains soirs d’été, nombreuses activités nautiques et terrestres, telles que le paddle, l’aviron, la voile, le canoë, ou le vtt et la randonnée autour du lac, en suivant l’itinéraire des Trois villages du Causse… tout ici invite à enclencher le mode vacances, un peu, beaucoup, et même passionnément !
Rendez-vous à Aubazine, tout près de Brive, où les moines, avec leur incroyable canal à flanc de rocher, n’ont pas été les seuls à marquer le religieux endroit de leur empreinte. Une certaine Gabrielle Chasnel y a aussi laissé une bien émouvante partie d’elle-même, quelques siècles plus tard…
Malmenée par la vie dès son plus jeune âge, la petite Mademoiselle échoue en 1895 dans ce modeste bourg corrézien, où pendant de longues années, elle n’aura pour seul décor que l’austère abbaye cistercienne abritant son orphelinat. Dans ce colosse de pierre aux antipodes de l’univers du luxe et du glamour, c’est là que son talent va infuser, nourri de noir, de blanc, de lignes strictes, épurées, et de vitraux à entrelacs – uniques au monde – qui vont influer sur le mythique logo aux deux C enlacés. Il faudra encore un peu de temps pour que l’iconique Coco Chanel se fasse un nom, mais le village d’Aubazine s’applique à rappeler comment tout a sûrement commencé entre ses murs. La modiste y est partout, et on se prend vite à visiter le lieu sous toutes ses coutures pour y dénicher ses immanquables symboles !
Alors, si on se laissait gagner par la gaieté communicative de ce fameux « riant portail du Midi » ? Et comme on dit ici en guise de bienvenue : « Achabat d’entrar ! »… « Puisque vous êtes venus jusqu’à nous, achevez d’entrer ! »