Château de Cénevières
Un château de famille comme on les aime !Le gardien de la vallée
Au Moyen-Âge, tandis que les invasions allaient bon train en Quercy, le château de Cénevières prit le parti de s’élever sur un promontoire, en à-pic au-dessus du Lot.
Il eut alors à cœur d’endosser le rôle de gardien de la vallée, avec l’appui notamment de ses voisins, les châteaux de Saint-Cirq-Lapopie et Calvignac.
De ce trio redoutable, lui seul a su rester debout jusqu’à nos jours, échappant même à la furie révolutionnaire. Et s’il se murmure que le vin de Cahors ne serait peut-être pas totalement étranger à ce petit miracle, il faut surtout avouer que la vénérable bâtisse a eu la chance de tomber entre de bienveillantes mains.
Une heureuse fortune qui semble encore l’accompagner aujourd’hui…
Merci de sonner et de patienter : la famille va vous recevoir !
C’est ainsi que l’on vous accueille désormais au château de Cénevières… Un modeste écriteau accroché sur la lourde porte d’entrée, avec ces quelques mots élégamment écrits à la main, qui, bien qu’anodins, vous font une subtile promesse : celle de vivre un moment unique, dans la peau d’un invité attendu, plutôt que dans celle d’un banal visiteur de passage…
Ici, vous l’aurez deviné, rien n’est tout à fait conventionnel.
Plus qu’un château, Cénevières est avant tout une demeure de famille, richement meublée, mais que l’on se gardera bien de qualifier de « musée », au risque d’offusquer ses chaleureux propriétaires, lesquels n’ont de cesse de vouloir remplir de vie ce petit bijou de la vallée du Lot.
Certes, la grande Histoire est toujours en toile de fond, mais jamais rébarbative, si bien que petits et grands n’en perdent pas une miette ! Eh oui, les de Braquilanges savent s’y prendre pour capter l’attention de leur auditoire.
Leur secret : ils sont tout simplement éperdument attachés à leur château qu’ils possèdent depuis 1793 et qui a fini par les habiter littéralement ! Résultat, Cénevières est un sacré remède contre la morosité !
Entre l’incontournable village de Saint-Cirq-Lapopie, la très courue cité de Cajarc, et l’admirable grotte du Pech Merle, le château de Cénevières aurait pu passer inaperçu ; d’autant qu’il ne vise pas le tourisme de masse. Ce qu’il préfère, c’est le bouche-à-oreille, imparable pour susciter l’envie de venir le saluer !
Alors oui, il est souvent conseillé de téléphoner pour prévoir sa visite, ou d’opter pour la réservation en ligne. Et encore oui, il peut arriver que la porte soit close, mais rarement bien longtemps.
En principe, Patrick de Braquilanges ne tarde jamais pour faire les honneurs de son humble logis. Et il a de qui tenir ! Avant lui, son père, le marquis Guy de Braquilanges, excellait dans ce domaine, servi par une verve incomparable, et le besoin indéfectible de partager.
Le truculent patriarche a fini par quitter la scène, non sans oublier de transmettre son formidable enthousiasme à ses enfants et petits-enfants qui, tous, perpétuent avec ferveur la tradition.
Ainsi, pendant la haute saison, les de Braquilanges sont sur tous les fronts, dégainant les anecdotes à l’envi, virevoltant entre les époques, et n’hésitant pas à revêtir le costume d’époque, notamment lors des nocturnes aux chandelles, où tout un chacun peut aussi se rendre noblement vêtus. Ça, il y en a qui vont adorer !
Bref, chassez de votre esprit le château triste et sans âme. Ici, on ne s’ennuie pas une seconde. Et si l’Histoire, c’est du sérieux, la bonne humeur, aussi ! Alors, que le spectacle commence !
Au-dessus de ma grotte !
Avant de vous laisser happer par une visite forcément haute en couleurs, un petit détour par l’esplanade principale s’impose, pour préciser quelques faits historiques, et en prendre plein les mirettes ! Car à Cénevières, on peut s’amuser tout en s’instruisant, mais il est aussi fortement recommandé de se régaler les yeux de beaux paysages !
Rappelez-vous, le château est perché sur une falaise de 60 mètres, surplombant la vallée du Lot. Donc, côté panorama, il a de solides arguments ! Approchez-vous… En contrebas, il y a souvent embouteillage, car les canoës, pédalos et autres bateaux de promenade savourent aussi la vue, mais sous un angle qui leur fait entrevoir ce que vous ne pouvez pas soupçonner…
En fait, le premier repaire de Cénevières se dissimule dans le rocher. C’est là que tout a commencé au VIIIème siècle. Une grotte naturelle donc, comme il y en a tant d’autres ici. Mais celle-ci eu le privilège de servir de place forte aux ducs d’Aquitaine, avant d’être investie par le coriace Pépin Le Bref. Il fallut attendre le XIIIème siècle pour lui associer un donjon vertigineux, et ainsi permettre au château de Cénevières de s’affirmer enfin dans le paysage.
Aujourd’hui, le site ne se visite pas, mais reste habité par une colonie de chauves-souris qui, dès les beaux jours, remontent vers le château pour passer la saison sous ses toits, et servir bien aimablement d’anti-moustiques ! Une vraie bénédiction pour profiter sereinement de la magnifique terrasse panoramique, qui d’ailleurs, n’a pas encore fini de vous charmer… Retournez-vous, et admirez…
Face à vous, une splendide galerie se profile. Fenêtres à meneaux, colonnades, et clochetons, tout y est. Une vraie loggia à l’italienne. Quant au reste de l’édifice, il affiche un luxe de détails et d’ornements qui ne trompe pas.
Et pourtant, au premier abord, vous auriez juré être en présence d’une solide bâtisse moyenâgeuse. Alors, Cénevières, château fort, ou château Renaissance ? Eh bien, les deux mon bon marquis ! Car si aujourd’hui, il penche plus volontiers pour la délicatesse, il ne renie pas non plus ses origines un peu rustres. Il s’en est simplement arrangé ! Et c’est à la famille de Gourdon qu’il le doit, celle qui fut à son service pendant près de cinq siècles.
Allez, petit tour du propriétaire !
Donjon, salles voûtées, fenêtres étroites, chapelle souterraine, prison, oubliettes… Pas de doute, ce début de visite vous plonge en plein Moyen Âge. Mais pas pour longtemps. L’étage vous propulse au XVIème siècle…
Dans le riche grand salon, levez les yeux au plafond, car un trésor s’y cache. Et dire qu’il a fallu quelques pluies soutenues pour qu’il se révèle à tous, en 1973 ! Complètement sous le charme, le maître des lieux ne vous contera pas fleurette, mais plutôt tulipes, celles que le sultan ottoman Soliman le Magnifique adorait…
Vous avez du mal à suivre ? Rassurez-vous, sur place, tout prendra sens, et vous ne serez aucunement surpris d’admirer la belle Constantinople, avant de vous frotter au « pétard » de Cahors, qu’Henri IV et son comparse, Antoine de Gourdon le protestant, affectionnaient tant ! Encore quelques pas, et vous rejoindrez le mystérieux cabinet d’alchimie recouvert de fresques mythologiques, pour vous essayer à la transformation du plomb en or ! Au fait, les concurrents de la Course aux trésors y sont-ils parvenus ?
Jamais à court de curiosité, la famille de Gourdon a doté le château de Cénevières d’une personnalité étonnamment raffinée et cultivée, qui renaît magistralement sous la baguette exaltée de la famille de Braquilanges, désormais dépositaire de ce précieux héritage…